OSVALDO PUGLIESE
1905 - La naissance d'Osvaldo Pugliese
Ses deux frères ainés jouaient du violon, son père de la flute, mais Osvaldo Pedro Pugliese se passionne pour le piano. Son père lui achète non sans mal cet instrument de prédilection et à 15 ans il commence à faire de la musique son métier à travers diverses formations, dont l'orchestre de Pedro Maffia, ainsi que pour le cinéma muet. En 1922 il compose le célèbre Recuerdo, interprété pour la première fois par Juan Bava au café Mitre, puis enregistré par Julio De Caro en 78 tours.
1929 - Vardaro-Pugliese
Après 3 années passées auprès de Pedro Maffia, Pugliese forme un sextet avec Elvino Vardaro (violoniste). Ce sextet est dissout après seulement quelques mois avant de réapparaitre de 1930 à 1931, cette fois avec Anibal Troilo au bandonéon et Alfredo Gobbi au violon. Dommage qu'il n'existe aucun enregistrement de cet ensemble composé de futurs incontournables du Tango. A partir de 1934, Pugliese intervient dans l'orchestre de Pedro Laurenz, puis il accompagne le chanteur Ernesto Famá. En 1936, il rejoint également Miguel Calo, époque durant laquelle ses convictions politiques le conduisent en prison.
1939 - L'orchestre d'Osvaldo Pugliese
Cinq jours seulement après sa sortie de détention, il monte sur scène à la tête de son propre orchestre fonctionnant en coopérative. Nous sommes le 11 août 1939 : aux bandonéons Enrique Alessio, Osvaldo Ruggiero et Luis Bonnat ; aux violons Enrique Camerano, Julio Carrasco et 'el Chino' Tursky ; Aniceto Rossi à la contrebasse, Amadeo Mandarino au chant et bien sûr, au piano, Osvaldo Pugliese.
1942 - Pugliese a Radio El Mundo
Après plusieurs représentations et un succès grandissant, il arrive à 'Radio El Mundo' le 31 décembre 1942, multipliant les interventions jusqu'à la fameuse émission 'Ronda de Ases' en 1943, puis le théâtre 'Casino'. L'orchestre de Pugliese était alors composé d'Enrique Alessio, Osvaldo Ruggiero et Esteban Gilardi aux bandonéons ; Enrique Camerano, Jaime Tursky, Oscar Luis Herrero et Julio Carrasco aux violons ; Aniceto Rossi à la contrebasse, Roberto Chanel au chant. On note le passage des chanteurs Alberto Lago (pas d'enregistrement) et Jorge Rubino (que l'on peut écouter dans Milonga de mi tierra).
1943 - Enfin les premiers disques
1943, enfin les 1ers disques sur le label Odeón, dirigé alors par Mauricio Goddard. Pugliese enregistre l'instrumental El Rodeo, et Farol magnifiquement interprété par Roberto Chanel. Vous devez également connaitre Tierra Querida, Corrientes y Esmeralda, Adios Bardi (1944)…
1945 - Alberto Moran
1945, Alberto Morán intègre l'orchestre de Pugliese et contraste avec Chanel par son style romantique et ses aptitudes pour les longs phrasés à demi voix dans Una Vez, Maleza (1945), El Abrojito (1946)…
D'autres chanteurs
D'autre chanteurs interviennent ensuite, tels que Jorge Vidal, Miguel Montero, Jorge Maciel, Carlos Guido, Alfredo Belusi, Abel Cordoba… tandis que Pugliese continue d'évoluer fidèle à son style enraciné et avant-gardiste.
Analyse du style d'Osvaldo Pugliese
Pugliese se caractérise par son style 'decareano' (issue de Julio et Francisco De Caro qu'il affectionne particulièrement), notamment la superposition de multiples couches mélodiques et l'utilisation du rubato qui donne toute son intensité à l'expression sentimentale et mélancolique. Ses arrangements sont d'une richesse rare à tous les niveaux ; richesse qui n'aurait probablement pas été aussi marquée sans une conception de l'orchestre proche des ces convictions politiques. Chaque musicien a sa place, son rôle, mais aussi l'occasion de s'exprimer individuellement. La conséquence d'un point de vue musical est la présence de solos ou passages clairement consacrés à chaque instrument à tour de rôle, ce qui n'est pas le cas par exemple chez Di Sarli qui se focalise davantage sur l'ensemble orchestral. Bien que particulièrement sentimental et romantique, Pugliese ne perd pas de vue le rythme et utilise toutes sortes de syncopes et contretemps, sans oublier les effets percussifs propre au tango tels que 'la chicharra' (1) ou 'el tambor' (2).
"Osvaldo Pugliese est le Count Basie du Tango […] Count Basie avait le swing et Osvaldo utilise ce coté canyengue du tango, et ça personne ne pourra le surpasser car c'est devenu un style à part entière… et les styles perdurent." - A.Piazzolla
Les accents de Pugliese, combinés à l'utilisation de l'arrastre, n'ont pas d'équivalent. Il y a de longues pauses, des reprises surprenantes et puis cette puissance, une force impressionnante qui nous arrache et nous emporte. Pour autant, l'effet n'est pas sec ou rigide, piège dans lequel certains jeunes successeurs de son style tombent parfois. L'appui rythmique de Pugliese est propice à une marche posée et dense, tandis que ses interprétations plus complexes appellent des changements brusques de vitesse et d'intentions. Le panel d'émotions est large et extrême, de la douceur d'un violon qui pleure glissando aux jeux rythmiques canyengue, en passant par l'angoisse d'un bandonéon qui s'étire avec dissonance…
Exemples sonores :
(1) Chicharra : au début de Guitarrita (1954)
(2) Tambor : au début de Zum (1972) accompagné par le bandonéon
Le rubato
Encore une figure rythmique ? Pas si simple… Cette technique largement utilisée par Frédéric Chopin (entre autre musiciens classiques de l'époque romantique) consiste à 'dérober' du temps puis à le restituer. Plus concrètement, on ralentit puis on accélère certaines notes - voire l'ensemble de l'orchestre - afin de sublimer la mélodie et d'exprimer des émotions difficiles à contenir dans le cadre strict et régulier du métronome. Les chanteurs et solistes utilisent naturellement le rubato, mais porter l'effet à l'orchestre complet y compris sa base rythmique est plus complexe car cela consiste à altérer la référence temporelle qui lie les musiciens et leur permet de rester ensembles. Cette technique implique un ajustement précis entre musiciens, c'est-à-dire quelques 'heures' de répétitions…
El arrastre
L'arrastre (du verbe 'arrastrar' : trainer) consiste à préparer l'arriver d'un temps fort en jouant un son juste avant et crescendo (de plus en plus fort). L'accent n'apparaît donc pas d'un seul coup comme chez D'Arienzo ou Biagi, mais on le sent arriver, comme un train à grande vitesse ou une vague qui grossit avant de se briser sur les rochers.
"Une des caractéristiques du Tango provient du folklore de la pampa.
Cette influence se caractérise musicalement dans l' arrastre utilisé au départ par Julio De Caro puis Carlos Di Sarli et mon orchestre. De Caro accentuait le 1er et le 3ème temps, parfois avec un arrastre. Nous, nous avons combiné les deux: l'accentuation des 1ers et 3 temps, avec l'arrastre percussif qui suit. Cette combinaison d'accents et de l'arrastre donne au tango une force unique, qu'il est impossible d'obtenir même en ajoutant des instruments tels que la batterie, les pistons ou le trombone…" - O.Pugliese
Astuce pour reconnaître Pugliese en milonga
Pour reconnaître Osvaldo Pugliese en milonga, il suffit de repérer...
- Son style riche, puissant et passionné.
- Ses changements brusques à tous les niveaux (nuances, tempo, pauses…)
- Ses accents caractéristiques avec arrastre.
- La place donnée à chaque instrument à tour de rôle, notamment dans les solos.
- L'utilisation du rubato
- Son final avec tout l'orchestre, dernier accord plus faible et parfois un peu en retard.
Sinon, dis-toi que le DJ garde souvent le meilleur pour la fin… ;-)
Gregory Diaz
2013-05-01
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